"J'ai possédé une ferme en Afrique au pied du Ngong.
La ligne de l'Equateur passait dans les montagnes à vingt-cinq milles au Nord ; mais nous étions à deux mille mètres d'altitude. Au milieu de la journée nous avions l'impression d'être tout près du soleil, alors que les après-midi et les soirées étaient frais et les nuits froides.
L'altitude combinée au climat équatorial composait un paysage sans pareil. Paysage dépouillé, aux lignes allongées et pures, l'exubérance de couleur et de végétation qui caractérise la plaine tropicale en étant absente : ce paysage avait la teinte sèche et brûlée de certaines poteries.
L'horizon que l'on découvre des collines du Ngong est incomparable : au sud des grandes plaines, puis les vastes terrains de chasse qui s'élèvent jusqu'au Kilimandjaro. Au nord-est il y a la réserve des Kikuyu qui s'étend sur près de 160 kilomètres jusqu'au mont Kenya, couronné de neige.
Nous cultivions surtout le café, mais ni l'altitude ni la région ne lui convenaient très bien ; et nous avions souvent du mal à joindre les deux bouts.
Nairobi, notre capitale, n'était qu'à une vingtaine de kilomètres de la ferme.
Au cours de mes safaris j'ai vu un troupeau de buffles de cent vingt-deux bêtes surgir du brouillard matinal sur un horizon cuivré comme si ces bêtes massives et grises, aux cornes horizontales et compliquées, étaient sorties du néant dans le but désintéressé d'enchanter mes yeux. J'ai vu toute une troupe d'éléphants en marche dans la forêt vierge, une forêt si épaisse, qu'il ne filtrait que des éclaboussures de lumière.
J'ai éprouvé, dès ma première semaine en Afrique, beaucoup d'affection pour les indigènes. C'était un sentiment très fort et très spontané qui s'étendait indistinctement à tous les nègres quel que fût leur sexe ou leur âge. La découverte de l'âme noire fut pour moi un événement, quelque chose comme la découverte de l'Amérique pour Christophe Colomb, tout l'horizon de ma vie s'en est trouvé élargi."
mercredi 24 mars 2010
Extrait de "La ferme africaine"
lundi 22 mars 2010
"La ferme africaine" de Karen Blixen
Bonjour bonjour !
Tout d’abord, je vous prie de me pardonner pour ce long silence. Il y a des chocs qui amputent les doigts (Haïti) et vous gèlent les envies de sourire (froid continu mode survie type Nicolas Vannier). Et je vous avouerais aussi que je suis partie en vacances en Guadeloupe… avec un détour forcé non loin d’Haïti !
Mais maintenant voilà donc votre Tituba plus sorcière que jamais, qui revient vers vous toute fraîche, toute printanière en cette journée importante : la journée mondiale de l’eau. Eh oui, aujourd’hui chers lecteurs prenez plus que jamais conscience de ce que vous tenez dans les mains en prenant votre douche (non non je n’ai pas dit les seins mesdames et messieurs, hum reprenez-vous… bref !). L’EAU !
Citadine, j’ai tendance à oublier combien cet élément est précieux et nous est juste indispensable pour vivre au même type que l’air. Mais mais… maintenant je me suis connectée à la nature. Grâce à qui ? Grâce à Karen Blixen (ok bien coachée déjà par mes vacances en Guadeloupe). Je suis en train de lire La ferme africaine de cette danoise ô combien intéressante et attachante.
Vous connaissez tous Out of Africa ? Vous auriez bien tué Meryl Streep pour vous retrouver dans les bras de Robert Redford hein ? Bon l’histoire « vraie » ne s’est pas passé tout à fait comme ça.
A 5h du matin, heure de mon insomnie quotidienne, je me transforme en lion depuis une semaine. Râââââ !
Si si je vous assure : j’hume des odeurs de savane brûlée, je patauge dans la boue, j’embrasse des eucalyptus, capte les regards énigmatiques de la tribu Kikuyu, tue des lions, mange dans de la fine porcelaine avec un ami excentrique européen, essaie de sauver mon café, lutte contre les sauterelles, j’en ai même les cheveux longs et raides.
Tout ça pour vous dire que Karen Blixen est UNE MAGICIENNE. Sorti en 1937, ce livre vous emportera dans les tripes d’une femme (qui parle très très rarement de son mari « Ma ferme ») qui venue en Afrique faire fortune dans le café, se retrouvera ensorcelée par ce pays à l’aura de commencement du monde (type paradis infesté d’hyènes).
Le gros bonus ? aucune pointe de racisme (une ouverture d'esprit et une sincérité absolument dingue pour son époque).
Forcément pas très réveillée à 6h45 à Alfortville - France, je continue tout de même ma journée, fusil en bandoulière (sac en réalité), habillée en kaki (paraît que c’est mode cette année), de la boue plein le visage, et prête à recevoir un Masaï terrible aux longues jambes effilées, pour une discussion sur une vache ou deux.
Je n’ai pas encore fini ce livre, Karen Blixen devra quitter cette Afrique là, qui se transformera peu à peu. C’est un monde qui s’en va qu’elle quitte, mais elle en sera nostalgique jusqu’à sa mort. Cette dernière phrase me rappelle quelqu’un ?
(Je vous raconterais une autre fois mon périple dans le RER D et aux Halles avec un titre écrit gros comme une maison « AFRIQUE », recueil des œuvres de Karen : ouais je l’appelle comme ça maintenant puisque j’ai été prendre le café chez elle !)
Meryl Streep